C’est avec le néolithique que les premiers agriculteurs s’établirent ici ainsi qu’en témoignent les nombreux outils en silex trouvés dans les champs. Puis, à l’époque gauloise, une route reliant Châteaudun à Beaugency traversait le village. Les gallo-romains laissèrent de nombreux vestiges de leurs villas. Si l’époque mérovingienne est moins connue, il ne fait aucun doute que le village fût habité.
Dès le début du XI ème siècle ARBLANIVILLA ( Ablainville ) est signalé dans de nombreux documents.
Au XII ème siècle, les Hospitaliers de St Jean de Jérusalem y établirent un hôpital et y construisirent une chapelle. C’était une des rares commanderies que les chevaliers possédaient dans le pays beauceron.
En 1212, Thibault, comte de Blois donne aux chevaliers son bois des Sablons.
En 1227 Alice de Rouillez, dame de Beaugency, lègue aux frères de l’hôpital 1/5 de son héritage pour servir à reconstruire leur maison d’Ablainville. Elle leur donne en outre ses biens meubles, ses créances, ses vêtements, ses joyaux à l’exception d’un grand anneau d’or avec une pierre polie qu’elle réserve à ses héritiers et, comme les hospitaliers l’avaient fait participer aux bienfaits spirituels de leur ordre, elle promit de maintenir intégralement la donation et de ne choisir sa sépulture ailleurs que dans la chapelle de l’hôpital.
La commanderie possédait plusieurs fermes. Une cloche pour la chapelle fut bénie en 1746. Les offices étaient célébrés deux fois par semaine en 1780, par le curé-baron de Binas.
Elle fut vendue comme bien national à la révolution. Des restes sont encore visibles, notamment une belle croix grecque qui rappelle l’origine orientale des chevaliers.
Deux maisons hautes sont probablement des vestiges de l’hôpital. Sur l’une d’elles on remarque un linteau sculpté.
A la sortie ouest d’Ablainville, à gauche, en allant vers Binas se dresse une croix de chemin en fer. Au pied de cette croix se trouve une pierre des morts, ou pierre de repos. On y déposait les cercueils pour soulager les porteurs. A cette occasion l’assistance disait une prière.
En face de cette croix, en 1962, lors de travaux d’adduction d’eau, avec sa pelleteuse l’ouvrier chargé de creuser les tranchées mit à jour deux fûts de pierre. Il allait les charger dans une benne pour les évacuer vers la décharge, lorsque intervint un passionné d’histoire qui pressentit tout l’intérêt de ces pierres et les fit mettre de côté. Restées un certain temps au pied de la croix, elles furent finalement rapatriées au village et mises en lieu sûr.
Le fût reconstitué ( 0,98+ 0,82 m ) d’un diamètre de 0,23 m est sculpté en ronde-bosse.Une épée mesurant 1,44 m est dressée la pointe en bas; à sa partie supérieure un écusson porte un ciboire est surmonté d’une hostie. Sous le ciboire est gravé un cadran solaire. La présence de ce dernier sur une croix est une chose rarissime.
Sous l’actuelle croix se trouvait un socle de belle dimension qui possède en son centre une cavité qui correspond à la base de la colonne.
Pas de doute ces deux éléments étaient faits l’un pour l’autre. L’idée de les rassembler et de les mettre sur la place du village se fit jour dans la tête d’une poignée de passionnés. C’est chose faite aujourd’hui, magnifiquement restaurée par Mr Chevallier-Lacombe, le sculpteur bien connu, et financée par la municipalité qu’il convient de féliciter pour ce geste de conservation du patrimoine.
Quel était l’emplacement primitif de cette croix ? On peut supposer que c’était le centre du village où a été aménagée une place dans le premier quart du siècle dernier. Une pierre rectangulaire est restée dégagée. On la dénomme « pierre de la Johannée » ( la ferme populaire de Jean vient de Johannes ). N’est-ce pas l’emplacement primitif de cette croix de pierre que l’on a voulu matérialiser lors du déplacement de celle-ci.
Sur cette place, dès 1819 se tenait une assemblée fixée au 24 juin ( jour de la St Jean ) pour le louage des domestiques.
Maintenant que leur premier rêve s’est réalisé, cette poignée de passionnés en a fait un autre : surmonter cette stèle de pierre d’une croix.
Judicieusement conseillés par Mr Prudhomme ( dont l’épouse était originaire d’Ablainville ) ces mordus verraient très bien une croix rappelant un ordre chevaleresque. Pourquoi pas une croix de pierre?
C’est chose faite. Le rêve est devenu réalité. Une croix de pierre rappelant la croix de la chapelle coiffe aujourd’hui cette magnifique colonne.
De tels exemples de croix ne se trouvent pas à toutes les croisées de chemins, un tel patrimoine mérite d’être conservé. C’est vraiment grâce à la chance que l’on peut admirer cette magnifique colonne de pierre.
Renseignements et photographies: Georges CHERON
Ablainville
Ce n’est qu’un petit hameau
Egaré dans la grande plaine,
Sans curiosités ni château
Balayé du vent de galerne.
Dans ce véritable océan
De guérets et de céréales,
Je me revois, petit enfant,
Courant dans les fortes rafales.
Envouté par la plaine immense
Comme on l’est par le grand désert,
J’y passais d’heureuses vacances:
C’était pour moi tout l’univers.
J’ai toujours gardé dans mon coeur
Le nom de ce petit village,
Inconnu des grands voyageurs
Et des agences de voyage.
Quand je redis son nom
Hélas mon coeur se serre,
Un pli creuse mon front
Puis un pleur perle à ma paupière.
Seul, le petit village, endormi dans la plaine
Se repose, bien loin de tous les grands parcours,
Et tout autour de lui, dans une paix sereine,
Pointent tous les clochers des gros bourgs d’alentour.
Là, sur le grand plateau, le vent de son haleine
Vient rider les moissons ou lécher les guérets.
Alouettes, là-haut, vos tirelis s’égrennent
Accompagnant de chants les plaisirs de l’été.
Des vols de corbeaux noirs, dans les brumes d’hiver,
Viennent jeter sur toi leur voile de tristesse.
Dans les brouillards épais, sous un ciel gris de fer
Gisent tous les secrets de ma jeunesse,
De mes rêves d’enfant
Emportés par le vent.
Marceau Prudhomme 1964